mardi 1 janvier 2013

Série d'articles pour l'AQMAT - la localisation des quincailleries


En 2013, l'association AQMAT (associations de détaillants en quincaillerie) m'a demandé une série d'articles sur la localisation. On y parle donc beaucoup de quincaillerie, mais les principes généraux s'appliquent à tous les commerces de détails.

Série : La localisation des quincailleries
Article un : Les menaces en quincaillerie

L’AQMAT m’a demandé de vous présenter quelques articles sur la localisation des quincailleries. Mais tout d’abord, comme c’est le premier article, une courte présentation! Paquin Recherche et Associés est une entreprise de recherche en commerce de détail, spécialisée en études de potentiel de marché et de localisation. Je l’ai fondée en 2004 après avoir passé 18 ans dans une autre firme de conseil. Je fais donc ce travail depuis 27 ans maintenant et, au cours des années, j’ai travaillé pour la plupart des grands groupes, en alimentation et en quincaillerie principalement.

Mes cinq articles vont porter sur les menaces en quincaillerie au Québec, ainsi que sur l’importance de bien connaître son marché, par des analyses de site et de potentiel de marché. Ces articles vont contenir plusieurs observations découlant de mon expérience auprès des marchands avec lesquels j’ai travaillé au cours des années.

Quels dangers menacent le marché de la quincaillerie? Chaque action de la concurrence a souvent un effet direct, car la plupart des marchés sont saturés au Québec. Mais une menace importante pour les petits quincailliers est un changement dans la taille des nouveaux magasins qui sont ouverts par la concurrence. Cette stratégie d’ouvrir des magasins dans de plus petits marchés pourrait avoir un effet sur vos magasins, que vous soyez dans un marché urbain ou rural.

Par exemple, en février 2012, Rona a annoncé des changements importants pour ce qui est des grandes surfaces en Ontario. Ça faisait d’ailleurs plus d’une fois que monsieur Dutton disait que les grandes surfaces étaient appelées à décliner selon lui. Ce n’est donc pas une surprise!

Par contre, je ne suis pas convaincu que les grandes surfaces au Québec sont nécessairement choses du passé, comme le disent les analystes financiers! Bien sûr, le rythme d’implantation des nouvelles grandes surfaces a beaucoup diminué après 2005-2006, mais ce n’est pas par désintérêt des consommateurs, mais parce que ce format de magasin est assez saturé au Québec.

Malgré les réflexions de Rona sur les grandes surfaces depuis quelques années, on note quand même que Rona a rénové tous ses vieux Réno-Dépôt en 2008, 2009 et 2010, puis ouvert un Réno-Dépôt à Ste-Foy en 2010, et construit le Réno-Dépôt de Vaudreuil en 2011. Aussi, durant la même période, Rona a aussi ouvert des magasins de grande surface (pour le marché) à St-Georges, Blainville, agrandi à St-Hyacinthe et ouvert à Beloeil en 2012.

À mon avis, est-ce la fin des grandes surfaces? Non ! Je m’attends à une ouverture par an pour les prochaines années, à moins que Lowes n’entre au Québec bien sûr… Mais soyons clairs : la plupart des grandes surfaces qui sont là vont le rester!

L’annonce de Rona de février 2012 mentionnait aussi l’ajout de nouveaux magasins « satellites » de 5 à 20 000 pieds carrés, comme on a vu récemment à l’essai à Granby. On risque de voir plusieurs magasins de ce type apparaître au Québec.


Série : La localisation des quincailleries
Article deux : Les menaces en quincaillerie (suite) – Canadian Tire et Internet

À la suite de l’article du numéro précédent, je poursuis mon analyse des menaces qui pèsent sur de l’industrie de la quincaillerie. Cette semaine, Canadian Tire accès de à des marchés de plus en plus petits, et la place d’Internet.

Canadian Tire a annoncé elle aussi viser des marchés de plus en plus petits, avec de plus petits magasins. Un rappel, c’est environ 40 % à 45 % des ventes de Canadian Tire qui proviennent de produits qui sont concurrents à une quincaillerie. Aussi, je dois noter que Canadian Tire est une société très dynamique, qui semble toujours en train de faire des essais depuis le début de ma carrière en commerce en 1986!

Donc ils entrent maintenant dans de petits marchés avec de plus petits magasins. Par exemple, le magasin de La Pocatière a ouvert ses portes en 2010. C’est un magasin de 11 500 pieds carrés seulement, auquel on ajoute une serre et un département L’Équipeur.

Selon diverses annonces faites lors du dépôt des récents rapports financiers, Canadian Tire aurait identifié 100 marchés au Canada pour des petits magasins de 14 000 à 18 000 pieds carrés (surface totale). Donc peut-être 20-25 petits magasins au Québec?

Il s’agit de marchés ayant 4 000 à 8 000 personnes seulement. Canadian Tire prévoit des ventes pour ces petits magasins de 5 à 9 millions de dollars. Avec le même ratio de 40 % en quincaillerie, ça ferait donc entre 2,0 et 3,6 millions de dollars $ en quincaillerie pour chacun de ces petits magasins, ce qui n’est pas à négliger dans un petit marché! C’est à surveiller!

Maintenant, on me demande souvent quelle est la place d’Internet en quincaillerie? Car à l’automne 2011, le site Amazon Canada se lançait en quincaillerie.

Je pense qu’Internet aura assez peu d’effet sur les achats de quincaillerie, car Internet se prête finalement assez mal à ces produits (sauf peut-être pour certains articles uniques en décoration et pour les outils).  Internet n’est pas approprié pour les articles où la texture ou les couleurs sont importantes (p. ex., peinture, qui serait d’ailleurs aussi un problème de surplus de poids pour l’envoi de ce type de colis!).

Aussi, la façon de faire sur Internet par définition se prête très mal aux besoins urgents, ou à l’achat d’un item en cours de travaux (p. ex., une boite additionnelle de couvre-plancher).

Les estimations des ventes d’Amazon en quincaillerie sont très basses. On est encore aux balbutiements. À cause des raisons citées plus haut, ça ne lève pas, donc vraiment pas de quoi s’énerver pour le moment!

Pour les produits de quincaillerie, selon moi, Internet gardera encore longtemps son rôle traditionnel : ça sert beaucoup à la prise d’information sur les produits et à la comparaison des produits avant l’achat en magasin.



Série : La localisation des quincailleries
Article trois : Les menaces en quincaillerie (suite)

Après avoir discuté des stratégies de Rona, de Canadian Tire et d’Amazon.ca, cet article aborde maintenant en vrac les autres menaces pour l’industrie de la quincaillerie au Québec. Quelles sont les autres menaces dont on doit tenir compte dans notre planification stratégique?

L’arrivée éventuelle des grandes surfaces de Lowe’s au Québec, si elle se concrétise, relancera le développement des grandes surfaces au Québec pour environ trois années. Mais dans la situation actuelle, il semble que ce ne soit pas pour bientôt, car la société a ralenti son rythme de développement au Canada. De plus, le marché pour cette taille de magasin semble saturé dans la plupart des régions du Québec : on a déjà eu un affrontement Rona/Réno Dépôt (avant que Rona ne mette la main sur Réno-Dépôt), puis un affrontement Rona/Homa Depot. Tout le monde est bien positionné et les marchés sont maintenant bien couverts pour ce qui est des grandes surfaces.

L’arrivée de Target au Québec en 2013, qui va ajouter un concurrent indirect, mais très dynamique, va aussi provoquer une guerre avec Walmart, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les autres détaillants. La conversion des magasins Walmart en « supercenters » (ajout d’un supermarché complet aux magasins Walmart traditionnels) est en cours pour de nombreux magasins Walmart au Québec. Cette dernière offensive de Walmart dans l’alimentaire n’est pas à négliger, car les ventes de non alimentaire augmenteraient de 25 % quand ils ajoutent un supermarché! Simplement parce que les clients visitent ce magasin plus souvent. Si vous trouvez que Walmart est un compétiteur agaçant en quincaillerie, ce sera pire lorsque le magasin près de chez vous aura un supermarché intégré!

Pour certaines régions, on doit aussi parler de la décroissance de la population. Cela se traduit par des marchés qui stagnent, donc des concurrents de plus en plus affamés! Pas étonnant de voir des regroupements, des acquisitions et donc de plus en plus de groupes ayant plus d’une succursale.
Les petits détaillants doivent aussi combattre l’effet des changements en périphérie. Par exemple, l’arrivée d’un nouveau magasin de moyenne surface à 10 ou 15 km de chez vous, c’est une érosion lente de vos ventes si vous ne bougez pas pour combattre cette menace pas si lointaine.

Les marchés sont souvent saturés, ainsi la localisation devient alors de plus en plus importante. Le concurrent qui se localise (ou se relocalise) sur un meilleur site que vous part souvent avec une longueur d’avance, peu importe depuis combien d’années vous êtes là! La fidélité des clients? Ne comptez pas là-dessus! Je vais reparler dans les articles suivants de l’importance de la localisation.

L’endettement des ménages devient de plus en plus inquiétant, car les signes à la hausse de cette dette ne montrent pas de ralentissement. Il ne s’agit pas seulement des hypothèques, ce qui est une dette structurante, donc généralement un investissement pour le ménage, mais aussi des dettes à la consommation…

Il va falloir un redressement de cette situation, et vite, sinon on risque nous aussi une crise majeure reliée à l’endettement des ménages.

Série : La localisation des quincailleries
Article quatre : À quoi sert une étude de localisation?

Dans la deuxième série d’articles, on m’a aussi demandé de vous présenter à quoi sert une étude de marché et à quelles questions elle donne des réponses.

On utilise une étude de marché pour un nouveau magasin bien sûr : combien de pieds carrés on devrait construire? Avec une serre? Un département de décoration? Et surtout : combien ce magasin va vendre par année? Avec cette information, vous avez ce qu’il faut pour faire les budgets et voir la rentabilité du projet.

On devrait aussi en faire une pour un agrandissement, une rénovation de magasin ou un projet de relocalisation du magasin : est-ce que je sers bien mon marché actuellement? Est-ce qu’il y a des fuites? Est-ce que mon marché est saturé? Est-il en croissance? Si j’agrandis mon magasin, ça va me rapporter combien de ventes de plus? Est-ce que je peux aller en chercher à mon concurrent? Si je ne fais que rénover mon magasin, ça va me rapporter combien de ventes de plus? Est-ce que changer de place va me rapporter plus de ventes? Est-ce que je vais être mieux positionné face à mon concurrent?

Souvenez-vous, selon les sondages et autres observations des consommateurs d’aujourd’hui, on sait que le côté pratique (la convenience) est de plus en plus important en raison du manque de temps. 

Ainsi, la localisation prend de plus en plus d’importance.

Aussi, d’autres sondages auprès de consommateurs confirment que le premier critère de choix d’une quincaillerie n’est pas la bannière, mais la localisation du magasin!

Quels sont maintenant les critères de localisation importants en quincaillerie? Le site idéal de la quincaillerie doit avoir un bon accès (local et régional) et une bonne visibilité, car la quincaillerie est un magasin de routine. Un mauvais site sur l’un de ces deux aspects vous rend vulnérable.

Idéalement, le site vous donnera une synergie avec d’autres commerces ou comme on le dit familièrement, « il faut être là où l’action se passe ». C’est beaucoup plus facile que d’essayer d’attirer des clients à plusieurs qu’en étant tout seul dans son coin! Et l’habitude des clients de fréquenter ce secteur se prend plus rapidement.

D’ailleurs, dans la plupart des marchés, il faut surveiller Walmart et les supermarchés, car ce sont souvent les premiers à initier des changements importants et faire en sorte que l’action commerciale se déplace dans une ville d’un endroit vers un autre. Pour une quincaillerie, il est parfois bénéfique de les rejoindre dans ce nouveau pôle commercial dynamique.Avoir du stationnement facile, ce qu’on néglige parfois, et qui fait qu’on a l’air déclassé quand un nouveau concurrent arrive avec un vaste terrain de stationnement dégagé devant son magasin.

On doit enfin comparer les caractéristiques de notre site avec celles des sites de la concurrence : a-t-elle un meilleur site ? Peut-elle réagir suite à notre développement?   

Voilà l’utilité d’une étude de localisation bien faite!

Série : La localisation des quincailleries
Article cinq : Quand faire une étude de marché?

Une étude de marché sérieuse devrait vous aider à répondre aux quatre questions suivantes, qu’il est très important de se poser périodiquement dans la vie d’un commerce :

Est-ce que notre site est au mauvais endroit? Je parcours le Québec et je vois de nombreux sites qui sont peu visibles, par exemple sur une rue secondaire avec peu de visibilité de la rue principale. En fait, les sites de nombreux magasins n’ont simplement pas les critères de localisation de base pour une quincaillerie (voir article précédent).

Est-ce que le marché a bougé depuis votre ouverture? Y a-t-il création d’un nouveau pôle commercial dans la région? Devrait-on s’y greffer? Est-ce que l’activité commerciale a changé de place? Mais il y a aussi la localisation des clients : où se trouve la nouvelle construction résidentielle? Est-ce que le marché s’est déplacé de façon assez importante pour justifier un déplacement? Ou alors un nouveau magasin à cet endroit?

Est-ce que les concurrents ont un meilleur site que nous? Dans ce cas, la concurrence aura toujours un avantage, et si ce marchand fait bien son travail, il pourrait dominer votre marché, et faire en sorte que vous soyez toujours deuxième.

Et enfin, y a-t-il un danger qu’un nouveau concurrent s’amène sur un meilleur site?
Si vous avez répondu « oui » à l’une de ces quatre questions, vous êtes définitivement en position vulnérable, et vous auriez avantage à bouger pour améliorer votre performance ou maintenir vos acquis.

Selon moi, la pire erreur d’un commerce est de ne pas chercher à connaître les opportunités qu’offre son marché et à ne pas bouger! C'est-à-dire risquer de stagner!

L’excuse que notre site ne coûte plus rien est une excuse souvent utilisée pour ne pas bouger. Je l’ai entendue souvent. Souvent en effet le site ne coûte pas cher… mais souvent c’est parce qu’il ne vaut pas cher!

Si on connaît mal son marché, on risque d’être dépassé par un concurrent. En effet, si vous occupez mal un marché, vous risquez qu’un concurrent arrive et ait un effet négatif important sur vos ventes et votre rentabilité à long terme. L’arrivée d’un concurrent aura un effet direct sur votre capacité à réagir ensuite – vous aurez moins de marge de manœuvre et risquez ainsi de vous enfoncer dans une spirale de décroissance dont vous aurez de la difficulté à sortir.

Mon conseil? « Fermez » votre marché en le couvrant bien, de façon à rendre beaucoup plus difficile ou même empêcher l’arrivée de la concurrence. La relocalisation préventive est une forme de consolidation pour garantir votre position dans le futur.

Aussi : maintenez vos magasins en bon état! Je parle ici surtout des intérieurs de magasins : ne les laissez pas vieillir. En effet, dites-moi, pourquoi les gens achèteraient de la décoration ou de la peinture dans un magasin qui a l’air défraîchi?

J’espère que ces articles vous ont donné des pistes de réflexion!


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